La place du village donnait sur un ruisseau, et en se garant sous les platanes Axel vit sur la droite, derrière une buvette en plaques de ciment, un petit pont de pierre qui le franchissait en tournant. Il descendit de voiture, marcha jusqu’au ruisseau encaissé entre le bord de la place et le pied de la colline sur lequel il voyait les ruines du château à travers les arbres. Le pont était pavé de gros galets luisants de rosée, et il y avait au bout un panneau de chemin de randonnée. Une chaîne de collines bien plus hautes que celle du vieux château dominait le village sur la droite, et Axel eut la surprise d’apercevoir trois chevreuils qui couraient et sautaient dans une friche entre les bois du sommet de la plus grande.
Il revint vers sa voiture car il avait pris rendez-vous par téléphone avec le propriétaire des ruines. Il avait eu ses coordonnées par la mairie. Pendant qu’il chaussait les bottes, il entendit claquer une portière de voiture, et en se retournant il vit venir vers lui un vieux monsieur qui lui demanda s’il était la personne qui avait téléphoné pour le château. Quand Axel le lui confirma, il se présenta en lui tendant la main, puis il se tourna vers son véhicule et fit un signe à son épouse restée au volant. Elle les rejoignit après avoir pris dans le coffre deux bâtons de marche. Axel vit qu’ils avaient tous les deux des chaussures de randonnée. Ils parlèrent du château tout en franchissant le petit pont et en s’engageant sur le chemin qui montait vers les ruines.
Axel apprit qu’il était du XIIIe siècle, que c’était plutôt une maison forte qu’un vrai château, qu’il n’y avait jamais eu de fouilles ni de tentative de restauration, mais que le fermier à qui il avait loué les terres avait utilisé la muraille encore debout pour y monter de bric et de broc une stabulation et un hangar ; toute la colline était clôturée jusqu’au ruisseau, qui en fait le tour, et les bêtes en pacageant tenaient l’endroit propre. Mais le fermier avait pris sa retraite depuis une trentaine d’années, tout était à l’abandon car les prés et les terres étaient toujours travaillées, mais il n’y avait plus de bêtes et la colline était maintenant un vrai roncier. Seuls les chasseurs et les gamins du village y montaient par les sentiers tracés par la sauvagine.
Tout en parlant, ils arrivèrent sur le plateau. Axel constata qu’une toiture de tôles métalliques rouillées, encore appuyée à la muraille, était à demi écroulée sur d’énormes sureaux, et entièrement recouverte de ronces et de lianes. Il y avait empilés au bord du chemin, de vieux pylônes EDF en béton qui avaient dû servir de poutres. Toutes les pentes étaient couvertes de ronces, d’orties, de houx fragons, de nerpruns et de sureaux à moitié desséchés, entrelacés de clématites. Quelques gros chênes et des acacias émergeaient du fouillis. Axel se dit que jamais il ne pourrait pénétrer là-dedans. Ils s’arrêtèrent tous les trois au niveau du tas de pylônes. Impossible d’aller plus loin, de s’approcher des bouts de ruine. « Vous voyez, dit le vieux monsieur, vous êtes le premier à m’avoir demandé de pouvoir prospecter l’endroit, et je ne crois pas que quelqu’un d’autre soit venu sans me le dire, il y a beaucoup trop de végétation… je ne sais pas ce que vous allez pouvoir faire… à vous de voir… on vous laisse là, nous allons en profiter pour aller voir quelques-uns de nos champs, puis nous repartons sur Toulouse… Bon courage et bonne chance… » Axel les regarda reprendre le chemin puis continuer vers la gauche, il vit à travers les arbres qu’il y avait au-delà du ruisseau, dans la plaine, des prés et des labours, ils devaient aller vers là.
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